Dossier 137
Porté par le succès critique et public de La Nuit du 12, Dominik Moll persiste et signe avec ce Dossier 137, une nouvelle autopsie des contradictions au sein du corps policier. Ce n’est pas le meurtre d’un tordu sur fond de frustration sexuelle qui est ici sur la sellette, mais un dérapage policier lors d’une
manifestation violente près des Champs-Elysées à l’époque des Gilets jaunes. Nous nous attachons pour la circonstance à une enquêtrice de la « Police des polices » qui tente d’établir qui sont les responsables de la mort du jeune manifestant resté sur le carreau.
Le malaise est palpable et notre héroïne, dont le zèle ne plait guère en haut lieu, y laisse manifestement des plumes, à l’instar du flic incarné par Bastien Bouillon dans La Nuit du 12. Le film avance ainsi sur deux jambes, celle de l’enquête et celle de l’éthique et des états d’âme que la recherche de la vérité provoque. Dès lors il n’est pas interdit de penser que le regard de Moll est plus panoramique que ce qu’il parait, car le film en dit long sur un certain malaise social qui perdure en notre douce France (ce n’est pas par hasard si un autre film actuellement à l’écran, Les Braises, a également les Gilets jaunes à cœur).
Certes la violence (de part et d’autre, les manifestants n’ayant rien à envier aux CRS) est dénoncée sans ambiguïté, mais le film interroge au- delà sur cette spécificité française qui mène si souvent aux extrêmes, et les récurrentes échauffourées dans les rues des grandes villes lors d’événements sportifs assurent de façon évidemment involontaire la pertinence du film. Un film d’autant plus prenant que Léa Drucker est absolument irréprochable dans la peau du personnage central, et que les scènes de manifestation semblent avoir été tournées sur le vif. Un film coup de poing.
Yves Alion
Film français de Dominik Moll, avec Léa Drucker, Théo Navarro-Mussy, Théo Costa-Marini, Stanislas Merhar. 1h55.