On Falling

Etrange long métrage que ce premier film de la cinéaste anglo-portugaise Laura Carreira, qui semble respecter les codes d’un héritage anglais traditionnel, celui du free cinema, mais pour les tordre de manière assez subtile.
A première vue toutes les cases du drame social traditionnel sont cochées : soit une jeune femme qui œuvre dans la nouvelle économie, un travail à la fois manuel au cœur de vastes hangars, et qui rentre chaque soir retrouver une routine qui ne varie pas.
On retrouve les codes du grand classique du genre Samedi soir, dimanche matin, avec une différence notable : le samedi soir, ce libérateur de la tension et de l’ennui, n’existe ici même plus.
Contrairement au « working class hero » interprété par Albert Finney, cette nouvelle héroïne n’a aucune délivrance. Un constat augmenté par la nature du travail, une sorte de tri informatique des marchandises qui s’apparente à une ronde absurde et sans fin entre des étagères surchargées, faisant s’enfoncer son quotidien dans une dimension kafkaïenne qui quitte le réalisme scrupuleux.
A la description révoltée d’une certaine misère sociale, On Falling oppose une nouvelle misère bien plus personnelle, une solitude absolue, constat d’une société où la non-lutte des classes empêche même l’émergence d’une quelconque solidarité.
La jeune femme tente de créer des liens, qui tous s’effilochent, et tourne comme un hamster dans une cage qui n’est même pas celle de la pauvreté, mais celle d’un nouvel isolement à l’heure des plateformes et des médias.
En cela, On Falling est peut-être effectivement bien un vrai héritier de Loach, son pendant au XXIe siècle, faisant le bilan d’une nouvelle époque et d’une nouvelle aliénation.
Pierre-Simon Gutman
Film anglo portugais de Laura Carreira (2025), avec Joana Santos, Jake McGarry, Neil Leper. 1h44.