l'avant scène cinéma

L’Inconnu de la Grande arche

L’Inconnu de la Grande arche

Comment évoquer la passion avec froideur ? C’est devenu un thème lancinant de l’œuvre en construction de Stéphane Demoustier, visible dans La Fille au bracelet, qui faisait de l’opacité de son héroïne la clé de son récit. Le protagoniste de ce nouveau film apparaît, sous ce même angle, comme son parfait contraire, l’image d’un être qui, précisément, semble incapable de prendre le moindre recul sur le monde l’entourant.

Cet homme a existé, il était architecte et a tenté, dans les années 1980, de mener à bien un projet, celui de l’Arche de la Défense, buttant avec constance contre le réel, qui a fini par le dévorer. Le cinéaste propose un récit et des problématiques qui peuvent rappeler The Brutalist, notamment lors d’une scène similaire de visite dans une carrière de marbre, en Italie. Mais ici, le souffle de la grande Histoire ne porte en aucun cas l’œuvre ; l’essentiel est ailleurs, dans la folie qui s’empare du héros, et où se mêlent une vraie vision artistique incorruptible et un égo parfois clairement déplacé.

À nouveau, le metteur en scène regarde avec une forme de distance un tourment inscrutable. Et à nouveau il respecte son opacité, son mystère. L’architecte est finalement bien un miroir de la jeune fille au bracelet (ou de la matone de Borgo), une question ouverte, en suspens, portée par l’interprétation toute en ambiguïté de Claes Bang. Demoustier n’aime pas les jugements, c’est la force de son cinéma mais cette position de recul, par laquelle il refuse formellement de prendre parti dans ses propres histoires, pourrait en devenir la limite.


Pierre-Simon Gutman
Film français de Stephane Demoustier avec Claes Bang, Side Babett Knudsen, Michel Fau. 1h46.

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