Les Aigles de la République
Présenté comme le dernier volet d’une trilogie entamée avec Le Caire Confidentiel et La Conspiration du Caire, Les Aigles de la République est sans doute le film le plus riche de son signataire, Tarik Saleh (dont la nationalité suédoise n’est pas exclusive de ses origines égyptiennes), quitte par moments à
se perdre tant les voies explorées sont multiples. A la fois thriller, romance, film politique (et même comédie), le film s’intéresse au départ au destin d’une star adulée du cinéma égyptien (Fares Fares, décidemment le porte-parole du cinéaste), qui se voit proposer d’incarner dans un film de commande le chef de l’Etat, le pas très démocratique Al-Sissi.
Dès lors notre homme se retrouve à jouer les funambules, ne sachant jusqu’où sa notoriété le protège des mauvaises manières de ses commanditaires, qui savent sa répulsion à être un rouage de cette machine propagandiste. Sa situation devient d’autant plus folle qu’il entretient une relation amoureuse avec l’épouse du haut gradé responsable de la bonne avancée du film ! Tarik Saleh n’avait pas pris de gants pour dénoncer les abus de pouvoirs (y compris ceux des religieux) dans ses films précédents, il franchit ici manifestement une étape supplémentaire, allant jusqu’à mettre en scène un attentat contre Al-Sissi, visiblement inspiré de celui qui couta la vie à el-Sadate en 1981.
Une séquence aussi spectaculaire qu’inattendue. Qui ne doit pas être particulièrement appréciée par le régime égyptien ! Cannes, où le film a été projeté en mai dernier, est décidemment le lieu idéal de toutes les transgressions. Les politiques en prennent plein la gueule, mais cela ne suffit pas toujours à impressionner les foules: la projection cannoise de The Apprentice, un an plus tôt, n’a pas empêché l’élection de Trump !
Yves Alion
Eagles of the Republic. Film suédo-franco-finno-danois de Tarik Saleh, avec Fares Fares, Cherien Dabis, Lyna Khoudri, Zineb Triki. 2h07.