l'avant scène cinéma

Kika

Kika

Étonnamment, c’est une forme de douceur qui baigne Kika. Dès la scène d’ouverture, son héroïne est baignée de soleil, rayonnante au sens propre comme figuré. Elle est aussi en mouvement, ce qui sera le cas durant tout le récit : Kika marche d’un pas décidé, fait du vélo, se démène pour aider les “bénéficiaires” dont elle a la charge (elle est assistante sociale), tombe amoureuse, refait sa vie, tombe, se relève, et enchaîne les combats face à l’adversité. Sous ses (faux) airs de drame social – la jeune femme se retrouve dans une grande précarité suite au décès soudain de son compagnon – le premier long métrage de fiction d’Alexe Poukine a quelque chose du feelgood movie, et même du conte de fées ultracontemporain.

Car la manière trouvée par la jeune femme pour résoudre ses problèmes financiers – devenir dominatrice dans le monde du BDSM – ne manque ni de panache, ni de courage (dans le fait – notamment – de ne jamais venir se placer sur un plan pseudo moral), mais semble parfois flirter avec un certain angélisme. Comme le lui fait remarquer une des travailleuses du sexe qui l’accompagne dans son apprentissage, “dominatrice est un vrai métier”, et l’on devine bien que la trajectoire de Kika, si elle est parfaitement documentée (la réalisatrice ne vient pas pour rien du cinéma documentaire), a parfois quelque chose de trop facile, de volontairement idéalisé. Qu’importe, la sororité à l’œuvre dans le milieu qu’elle intègre presque malgré elle fait du bien, lui offrant les moments les plus lumineux de son parcours.

Car au-delà du combat social dans lequel s’engage la jeune femme, c’est aussi son difficile travail de deuil que capte le film, et cela sans jamais en faire des tonnes. Il faudra attendre l’une des dernières séquences pour comprendre que ce qui la fait le plus souffrir n’est pas la douleur physique, mais au contraire la tendresse, celle qui lui manque si cruellement. De la même manière, le film aborde avec beaucoup de justesse la réalité des rapports de domination, qu’elle déconstruit avec sensibilité et humour, voire avec une certaine pédagogie.

D’ailleurs si, comme Kika, on pouvait parfois être tenté de sourire devant les demandes de ses clients, le film lui-même nous en fait très vite passer l’envie, en relevant le courage ou les souffrances qui se dissimulent derrière chacune d’entre elles. Sans doute est-ce d’ailleurs là la limite de cet aspect du récit : proposer un catalogue polissé de clients qui ont recours au BDSM comme mode de thérapie, en évacuant un peu rapidement le réel plaisir érotique que certains peuvent en retirer. Alexe Poukine s’avère finalement moins manichéenne dans son portrait de femme blessée qui choisit elle-même la voie de sa guérison.


Marie-Pauline Mollaret
Film français d’Alexe Poukine (2025), avec Manon Clave,l Ethelle Gonzalez Lardued, Makita Samba, Suzanne Elbaz, Anaël Snoek. 1h50.

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