l'avant scène cinéma

Cervantes avant Don Quichotte

Cervantes avant Don Quichotte

Six ans après Lettre à Franco, retour au cinéma pour Amenábar, et à nouveau le récit
d’un moment de la vie d’un héros espagnol. Dans le précédent, c’étaient les scrupules et
le combat du vieil Miguel de Unamuno face aux débuts d’une dictature. C’était déjà un
traitement original de la forme “biopic”, toujours menacée par l’académisme. Y échapper,
cela voulait dire rendre compte d’une réalité vieille de quatre-vingts ans sans jamais
oublier la question morale posée par les événements relatés. Ici, Amenábar s’attaque au
plus grands des Espagnols, un autre Miguel, l’auteur du Don Quichotte. Prisonnier cinq
ans à Alger, autour de sa trentième année, alors qu’il a déjà perdu l’usage de sa main
gauche à la bataille de Lépante, il n’est pas encore écrivain. Avec un sens fort de la
narration, qui fait toute la séduction de son film, Amenábar reproduit avec conviction le
décor de l’Alger de la fin du XVIème siècle et raconte comment on peut survivre à cinq
ans de captivité, tenter vainement de s’évader quatre fois, vivre avec les autres captifs,
les séduire, s’en méfier, créer des amitiés. Ambition épique, grandiose, tentation
d’évoquer une possible expérience homosexuelle du futur écrivain. Cette évocation d’une
expérience mal documentée par les historiens n’a rien de gênant dans le film, car elle
joue avec le romanesque. Et celui qui, à travers les siècles, a le plus joué avec le
romanesque s’appelait Miguel de Cervantès.
René Marx
El Cautivo. Film espagnol d’Alejandro Amenábar (2025) avec Julio Peña,
Alessandro Borghi. 2h14.

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